Pourquoi un pacte d’associés ?
Actualités Juridique by Stephane LéviI.Definition
On appelle « pacte d’associés » toute convention, statutaire (c’est à dire intégrée dans la statuts d’une société), ou extra-statutaire, ayant pour objet de régir les règles de fonctionnement entre associés, aussi bien durant la vie sociale qu’à l’occasion de la cession des actions ou parts sociales de la société.
Le pacte d’associés est tout aussi important qu’il soit statutaire ou qu’il résulte d’une convention extra-statutaire convenue, par exemple, à l’occasion d’une augmentation de capital et de l’entrée d’un nouvel associé dans l’entreprise.
Le pacte d’associés va préparer ou prévenir un éventuel désaccord ou les conséquences préjudiciables d’un différend.
Il est donc essentiel de prendre soin de la rédaction d’un pacte d’associés de façon à prévoir à l’avance les situations qui donneront lieu à application du pacte.
Le pacte d’associés permet ainsi de gérer la vie commune.
II.Objet du pacte d’associés
A. Aider à la prise de décisions et à la gestion de l’entreprise
- Le pacte d’associés permet notamment de fixer les règles de fonctionnement entre associés.
- S’agissant de la gestion quotidienne de l’entreprise le pacte peut permettre de fixer les pouvoirs des associés et/ou mandataires sociaux : qui assure le recrutement des salariés, dans quelles limites tel associé peut-il engager la société, quels blocs d’actionnaires disposent d’un droit de veto sur les décisions stratégiques de gestion que l’on pourra d’ailleurs définir, qui sera l’arbitre en cas de blocage et dans quelles conditions etc.
- Le pacte d’associés peut permettre de garantir une gouvernance égalitaire malgré une répartition des actions inégalitaires ou à l’inverse consentir à un bloc d’associés des pouvoirs de gestion étendus.
- Le pacte peut prévoir les modalités de rémunération des dirigeants.
- L’objectif dupacte d’associés est de fournir des outils pour prévenir et résoudre les situations de blocage nées à l’occasion de la gestion de la société.
B. Organiser la composition du capital social
Conclure un pacte d’associés va également permettre aux associés d’organiser le contrôle et la composition du capital de leur société.
- Vous pouvez vouloir donner plus de pouvoir à un actionnaire, même si ce dernier à moins d’actions en organisant les droits de vote, droits de veto
- Il est à l’inverse possible de contraindre à des décisions concertées, préalablement aux AG, pour s’assurer d’une prise de position commune ; de telles stipulations n’ont pas pour effet de porter atteinte aux règles d’ordre publique de fonctionnement des AG, elles engagent la responsabilité des co-contractants en cas de manquement au pacte d’associés.
- La volonté de garantir la transmission de son entreprise à quelqu’un de sa famille peut vous conduire à rédiger un pacte d’associésqui vous permettra de déterminer qui gardera vos actions. Le pacte d’associés est également un outil de transmission d’entreprise.
- Le pacte peut stipuler, entre associés, une clause de non concurrence soit au regard de la participation capitalistique des associés dans une autre société, soit pour restreindre une activité concurrente d’un associé non salarié, une telle clause peut être complétée d’une clause de non débauchage, les associés s’interdisant de débaucher tout salarié de la société leur profit ou au profit d’une société dans laquelle ils possèdent une participation et/ou exercent des activités de direction.
- Le pacte peut imposer une clause d’agrément de tout nouvel associé pour renforcer l’affectio societatis des associés de la société.
- Enfin le pacte peut prévoir des modalités de répartition du bénéfice spécifiques, les majoritaires s’engageant alors envers les minoritaires à voter au cours de l’AG annuel un montant de dividendes permettant d’assurer aux minoritaires une rémunération dérogatoires.
À cet effet, le pacte sera précédé d’un préambule, explicitant les raisons qui ont présidé à sa conclusion, et définissant certains termes qui reviendront régulièrement dans l’acte.
III.Clauses générales du pacte d’associés
A. Durée du pacte
- Le pacte d’associés peut être stipulé à durée déterminée ou indéterminée.
Si aucune durée spécifique n’a été précisée le pacte est réputée être à durée indéterminée.
Sauf stipulation contraire, toute partie au pacte aura alors aura alors la faculté de le résilier unilatéralement à tout moment et sans avoir à justifier d’un motif, sous réserve bien entendu de ne pas s’exposer à un abus de droit.
- La durée du pacte peut faire l’objet de plusieurs stipulations distinctes en fonction de la nature de l’engagement pris; ainsi lorsque le pacte comporte des obligations conventionnelles qui n’ont pas nécessairement de rapport entre elles, il peut être convenu des durées distinctes pour chacune d’entre elles.
- Les effets du pacte peuvent se poursuivre même après l’arrivée de son terme.
Il en est notamment ainsi des obligations de non concurrence qui, bien que limitées dans le temps, peuvent se poursuivre après la cessation du pacte.
- Les conditions de prorogation et/ou renouvellement du pacte doivent être clairement stipulées.
- Le pacte peut être conclu sous condition suspensive ou condition résolutoire s’agissant d’une convention qui ne déroge pas aux principes généraux du droit des obligations ; on précisera alors le terme extinctif des conditions ainsi stipulées.
- Enfin il peut être précisé les conditions de caducité du pacte à raison de la survenance (ou de l’absence de réalisation) de certains évènements.
B. Clause compromissoire
- Il est d’usage, dans un pacte compromissoire, d’insérer une clause compromissoire, c’est à dire une stipulation qui réserve de régler les litiges qui pourraient naître de son exécution ou de son interprétation à un arbitre.
Une telle stipulation permet de préserver le secret des affaires en ne portant pas sur la place publique les différends entre associés, la durée de la procédure de règlement du litige s’en trouve généralement écourtée mais le coût de l’arbitrage peut être très important s’il n’a pas été préalablement fixé par le pacte, sous réserve d’acceptation, par l’arbitre, de sa mission.
- Les parties peuvent d’ailleurs convenir pour éviter les coûts important de l’arbitrage de ne procéder qu’à une simple médiation ou une procédure de conciliation préalable obligatoire.
Dans une telle hypothèse, en cas d’échec de la médiation, les juridictions de droit commun retrouvent leurs pleines compétences.
C. Droit d’information et/ou de contrôle
- À l’occasion du pacte les parties peuvent convenir d’undroit de consultation réservé à certains associés avant la prise de certaines décisions stratégiques (contrats relatifs à l’exploitation d’un brevet ou d’une marque, et droit de contrôle de l’associé apporteur etc.)
- Les associés détenteur du bloc de contrôle peuvent s’engager à fournir aux associés minoritaires des informations leur permettant de contrôler la bonne marche des affaires, (situation comptable trimestrielle détaillée, les états financiers prévisionnels, les prévisions budgétaires et d’investissement, embauches de salariés…)
Ces clauses sont fréquentes lorsque le pacte d’associés est régularisé avec des investisseurs institutionnels soucieux de maitriser leur investissement tout en donnant une grande marge de manœuvre aux associés fondateurs.
D. Clauses financières
Le pacte d’associé peut régir des droits d’ordre financier ou capitalistique, en faveur d’un bloc d’associés.
- Droit de souscription: afin d’éviter que les minoritaires ne deviennent ultra-minoritaires par effet de dilution, il peut être convenu un droit prioritaire de souscription en cas d’augmentation de capital, un tel droit s’exerçant prioritairement au droit préférentiel de souscription des autres associés signataires du pacte.
- Clause de recapitalisation : aux termes du pacte, certains associés peuvent s’engager à stabiliser les capitaux propres de l’entreprise dans le cas, notamment, où ceux-ci deviendraient inférieurs à une certaine proportion du capital social mettant ainsi en danger la poursuite de la société.
E. Clauses de sortie
Il s’agit là de clauses essentielles au pacte.
L’objet de telles clauses est de régir les conditions de sortie des associés de la société.
- La clause la plus courante est dite de « sortie conjointe »: à l’occasion de la vente de sa participation par un actionnaire (le plus souvent majoritaire) celui-ci s’engage à proposer aux minoritaires de céder leurs actions dans les mêmes conditions (prix, délais, complément de prix etc.)
- Clause de préemption: à l’occasion du projet de vente de sa participation par un associé, les autres associés vont pouvoir les racheter en priorité après s’être vu notifier le projet de cession ; une telle clause vise aussi bien les majoritaires que les minoritaires.
- Clause d’inaliénabilité: vont interdire la cession de certaines actions pour une certaine durée.
- Clauses de départ: il peut être stipulé une obligation d’achat par les cocontractants à l’occasion de la sortie de l’un des associés ; une telle clause prend généralement la forme d’une promesse unilatérale d’achat, le bénéficiaire de la promesse exercera l’option de vente lorsqu’il souhaitera quitter la société.
- Droit de préemption : cette clause permet à chaque associé, en cas de transfert des titres de la société par un autre associé, sous quelque forme que ce soit, de bénéficier d’un droit de priorité pour le rachat de ces titres.
- Clause de cession forcée (et clause de retrait) : aux termes d’une telle clause les associés s’engagent à céder la totalité des titres qu’ils détiendront en cas d’offre d’un tiers ou d’un actionnaire, à acquérir 100 % du capital de la société (ou racheter la totalité des parts détenues par un associé à un prix préalablement convenu).
Au total le pacte d’associé est un outil indispensable à la vie des affaires.
Il est possible d’y insérer de nombreuses clauses et la rédaction doit être très précise si on souhaite mettre en place un acte juridique solide et efficace.
L’assistance d’un avocat en droit des affaires est recommandée dans la rédaction d’un tel pacte.
IV.Un exemple de difficulté de rédaction
À l’initiative du Cabinet de Maître Stéphane LÉVI La Cour de cassation a jugé qu’un droit de préemption visant expressément les seules cessions d’actions ne peut pas s’appliquer à l’apport de ces mêmes titres. Cet arrêt impose aux rédacteurs de telles clauses statutaires ou conventionnelles de prêter une attention particulière aux objectifs poursuivis par les associés.
(Cass. com., 15 décembre 2009 : Le Boursicot c/ Parrain (pourvoi no 08-21037)
La Cour de Cassation a en effet dit pour droit :
« Attendu que pour accueillir la demande de M. Y et de la société Accueil hôtel, l’arrêt retient que l’apport effectué par les consorts X s’analyse en une opération juridique par laquelle ces derniers avaient transféré des éléments de leur patrimoine personnel à la société en cours de constitution et avaient reçu en contrepartie des titres sociaux pour une valeur globale correspondant aux actifs apportés ; qu’il en déduit que cet apport, ayant eu pour résultat le transfert à titre onéreux par les consorts X des titres qu’ils détenaient dans la société Hôtel Le Faisan au profit de la société, constitue, au sens de la clause de préemption, une cession, qui aurait dû faire l’objet d’une notification préalable à M. Y et à la société Accueil hôtel, afin de les mettre en mesure d’exercer leurs droits ;
Attendu qu’en statuant ainsi, la Cour d’appel a violé le texte susvisé.
Deux groupes d’associés avaient conclu un pacte d’associés afin de préserver leurs intérêts dans la gestion de la société HÔTEL LE FAISAN.
À cette occasion, ils s’étaient réciproquement consentis un droit de préemption d’une durée de cinq ans devant s’appliquer en cas de cession des titres, sous peine d’une sanction financière importante (clause pénale).
L’un des groupes devait constituer une société holding familiale, aux fins, notamment, d’une meilleure gestion de leur patrimoine hôtelier.
Pour constituer le capital de ladite société, ils apportaient notamment la totalité des actions de la société HÔTEL LE FAISAN, exploitant l’hôtel éponyme, et recevaient en contrepartie des parts sociales de la holding.
Il ne s’agissait donc que d’une opération interne à la famille, l’hôtel étant toujours détenu, indirectement, par les mêmes associés selon les mêmes équilibres.
Cependant l’autre partie s’estimant lésée par l’apport effectué par son associé qui n’avait pas préalablement mis en œuvre le droit de préemption à l’occasion de cet apport, sollicita en justice la condamnation de l’apporteur et la mise en œuvre de la clause pénale.
La Cour d’appel lui donna raison en considérant que le droit de préemption conventionnellement prévu pour s’appliquer aux cessions d’actions devait également être mis en œuvre en cas d’apport de ces mêmes titres.
La Cour de cassation censura la décision d’appel en faisant une interprétation stricte de la clause de préemption : elle refusa d’assimiler, comme l’avait fait la Cour d’appel, l’apport en société à un transfert à titre onéreux produisant les effets d’une cession.
La Cour de cassation opéra sa censure au visa de l’article 1134 du Code civil rappelant ainsi que c’est la convention conclue qui tient lieu de loi entre les parties.
Or au cas d’espèce, faute d’avoir été expressément visé par le pacte d’associés, l’apport ne pouvait pas entrer dans le champ du droit de préemption.
En pratique cet arrêt impose aux rédacteurs de tels pactes de s’assurer de la conformité des clauses aux objectifs des parties dans le respect des principes essentiels du droit des sociétés.
Ainsi était-il nécessaire de procéder à une rédaction appropriée des stipulations du pacte, en visant notamment l’ensemble des mutations de titres, qu’elles soient effectuées à titre gratuit ou onéreux, portant sur la pleine propriété, l’usufruit ou la nue propriété.
Tel n’avait pas été le cas ce qui a conduit la Cour de Cassation a censuré l’interprétation extensive qu’avait cru pouvoir faire la Cour d’Appel et ce qui conduira le rédacteur, professionnel du droit, à prendre les précaution de plume qui s’imposent lors de la rédaction du pacte d’associés.